Orgueil



"J'ai tout sacrifié pour toi ! Tout ! Tout ! Tout ! Tu m'entends! Je n'en peux plus !

La jeune femme hurla sa rage. Son cri se répercuta sous la voute de l'église. Un son d'agonie. Elle espérait ainsi évacuer sa peine, sa souffrance. Cette douleur qui la taraudait depuis si longtemps, bien trop longtemps.

-Je n'en peux plus, chuchota-t-elle. J'ai tout sacrifié pour toi..."


Cinq ans plus tôt.

"Emilie ! Emilie ! Emilie !

La tribune scandaient son nom comme si elle s'apprêtait à gagner les jeux olympiques. Et pourquoi pas un jour peut-être cela arriverait. En attendant, Emilie poussée par un stade en délire se sentit pousser des ailes. Elle accéléra et franchit la ligne d'arrivée cinq secondes avant ses concurrentes. Les gradins d'un seul cri l'ovationnèrent !

Emilie resplendissante leva les bras en l'air en signe de victoire. Une de plus à ajouter à son palmarès. Elle était la meilleure !

Emilie jeune adolescente de seize ans allait bientôt faire son entrée dans la cour des grands. Elle ne le savait pas encore mais sa performance venait de lui ouvrir les portes d'une prestigieuse école avec une bourse à la clé. Son avenir était assuré ! Tout lui réussissait.

Gagné par l'euphorie Emilie fêta son succès comme il se devait, après tout elle n'était encore qu'une enfant, et l'irréparable se produisit.

"Votre fille est enceinte. Nous l'avons découvert à temps ce qui laisse à Emilie un choix à faire."

Emilie jeune fille épanouie, un avenir radieux l'attendait. Ses parents la poussèrent à avorter. Butée l'adolescente prit le contre-courant.

Une goutte d'eau, une faille, premier pas vers la chute !

Emilie butée, prononça des mots qu'elle n'aurait pas dû. Sous le coup de la colère ses parents la mirent dehors. Ils étaient si fiers de leur athlète mais n'avaient que faire d'une cinquième roue du carrosse.

La jeune fille vécut quelques temps dans un centre pour adolescentes enceintes. Au bout de neuf mois elle y accoucha d'une petite fille qu'elle prénomma Sarah. Le service hospitalier tenta bien de lui faire comprendre la précarité de sa situation. Ne pouvait-elle pas retourner chez ses parents ? Maintenant qu'elle avait accouché: elle ne pouvait rester ici !

Deuxième goutte d'eau, l'insondable obscurité la guette. Peut-elle encore se relever. Oui il n'est sûrement pas trop tard. Le rebord n'est pas si haut. Il ne demande qu'un petit effort de sa part et un petit acte de contrition.

Emilie s'enfuit du centre avec sa fille sous le bras et un maigre bagage. Elle trouva refuge dans un squat. Au début néanmoins elle sembla remonter un peu la pente. Elle trouva un boulot de serveuse mais ne le garda que quelques semaines. Son bébé la fatiguait énormément, elle lui prenait trop de temps. Il fallait qu'elle réorganise son emploi du temps autrement. Elle essaya un autre petit job et encore un autre, et un autre et un autre...

Plus le temps passait plus elle se surprenait à rêvasser de sa vie passée. Elle avait été chassée du squat où elle vivait, faillit être arrêtée. Elle vivait dans la rue et avait jeté sa fierté aux ordures : elle faisait le tapin !

L'océan la noyée, l'infime espoir de remonter c'est envolé !

Fatiguée, aigrie, malade, meurtrie, déchue, un soir Emilie prit sa fille sous le bras et pénétra dans l'église...

"J'ai tout sacrifié pour toi Sarah, tout. J'avais tout et j'ai tout perdu.

Recroquevillée sur elle-même la jeune femme pleura. Elle sanglotait sur sa vie passée, sur ses rêves envolés, sur son avenir radieux et brisé avant d'avoir commencé.

La petite fille observait sa mère d'un air grave. Comprenait-elle le ressentiment de sa mère ? Sans doute à la façon d'un enfant dont la vie n'a pas été rose. Elle regarda sa mère se lever péniblement puis partir.

A aucun moment elle ne chercha à la retenir.
 
 
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